Commentaire

Nous concluons que la pensée religieuse depuis la Renaissance s'est accompagnée d'une forte scopophilie, tirant au voyeurisme, voire au télé-voyeurisme et à l'occulto-voyeurisme (on se veut invisible en même temps). Ce fut justement l'époque où la culture occidentale se passa de l'ouïe comme organe majeur de la perception et de la réception religieuses et enseigneuses. Luther ne voyait-il pas l'oreille comme l'organe unique du Chrétien? Passé le moyen âge, l'oeil devient l'organe que courtoyaient les Pères de l'église. Loyola ne fait-il pas de l'oeil intérieur le princeps de son instruction par les cinq sens, recommandant qu'on grave des illustrations pour mieux faire avaler son livre?

Helmut Gernsheim, notre historien d'élection délectable, donne 1685 pour date du perfectionnement de la camera obscura et de l'existence d'une gamme complète de modèles. Le dix-huitième siècle sera celui dans lequel les objets du monde seront transmutés en camera obscura : tables, chaises, écritoires, chaises à porteurs et taxis, microscopes, télescopes, livres et gobelets (déjà mentionnés), canes, épingles, bijoux, lunettes, montres, combles… avec la furie d'un Mallarmé qui rima sur tout ce qui lui tombait sous la main.

Dès qu'on put fixer l'image de la camera obscura, on se lança dans la reproduction de l'information botanique, astronomique, squelettique, anthropologique, géologique, topographique et Nature-o-graphique généralement. Seul Edward Dodwell se distingue pendant cette période infographique, en menaçant d'emprisonner le gouverneur turc dans sa petite boîte si ce dernier ne le laissait pas travailler tranquillement. Le Turc, n'ayant pas une tête du même nom, s'éclipsa pétrifié. Les tentatives de reproduction du corps et/ou de l'âme de personnes ou de choses n'a malheureusement toujours rien donné de concret ; nous encourageons tous ceux qui persistent à croire que cela reste une possibilité latente du dispositif photographique (à Beni Izgen en Algérie par exemple).