OuPhoPo 16OPP-16.html



Les dix cartes de tarot d’Olympe de Phocas

Ou

Pho

Po

L’Ouphopo poursuit sa réflexion sur le possible de l’illustration littéraire et propose dans la présente livraison dix cartes de tarot censées représenter le caractère intime du personnage principal du roman de Naomi intitulé Mademoiselle de Phocas. C’est l’histoire, d’une jeune femme de bonne famille qui lit un jour Monsieur de Phocas, le roman décadent célèbre de Jean Lorrain, et qui s’identifie au héros. Cette identification prend des proportions telles que l’on peut parler de pathologie. Elle se costume comme un poète symboliste de 1900 et se met à écrire dans une langue archaïsante – allant jusqu’à plagier Lorrain, Gautier, Rodenbach, Bourges et Montesquiou par paragraphes entiers, ou en les brassant, en les étoffant, tel un poète décadent qui traduirait des textes latins en les truffant d’épisodes extrapolés.


Olympe est photographe. Le roman décrit ses séances de pose et recherches d’objets, ses fantasmes iconiques et ses expérimentations extrêmes. C’est un roman qui appelle à être illustré, et nous nous sommes plut par ailleurs à réaliser quelques-unes des créations d’Olympe de manière fidèle. Ceci relève aussi de l’Ouphopo, puisqu’il s’agit de créer de vraies photos d’un photographe imaginaire. Le photographe-illustrateur n’est donc pas le photographe-personnage, comme dans tout roman le narrateur omniscient et l’auteur ne peuvent être confondus. Peut-on alors parler pour une telle entreprise d’illustration de « photographe-narrateur », ou de « photographe omniscient » ? Ces images pourraient faire l’objet d’une prochaine livraison.


Un Tarot comporte 78 cartes : 22 Arcanes Majeurs et 56 Arcanes Mineurs. À chaque lame correspond une interprétation traditionnelle, qui change lorsqu’il est tiré en même temps qu’un Arcane Prépondérant. À la lecture des significations classiques, nous avons trouvé 10 cartes qui décrivaient avec une précision désarmante le caractère d’Olympe ainsi que son évolution au fil du roman.




I. Magician / Le Bateleur : savoir-faire

Point de vue moral : Volonté. Dextérité. Initiative. Créativité. Originalité. Réflexes rapides et flexibilité. Confiance en soi. Ruse et fourberie. Égoïsme sentimental.

Point de vue physique : Activité.

Avec le XV : Décisions irréfléchies.





III. The Empress / L’Impératrice : fécondité

Point de vue moral : Ambition. Compréhension. Subtilité. Finesse.

Point de vue physique : Déplacements nombreux et rémunérateurs.

Avec le XV : Sensualité. Brouille. Jalousie.





VI. The Lover / L’Amoureux : hésitation

Point de vue moral : Caractère indécis et pessimiste. Esprit tourmenté.

Point de vue physique : Santé fragile. Impuissance.

Avec le XV : Préoccupations matérielles. Amitiés équivoques.





XII. The Hanged Man / Le Pendu : expiation

Point de vue moral : Erreurs de jugement. Inconstance. Amour non partagé. Peur.

Point de vue physique : Travail pénible. Fatigue. Repos fréquents.

Avec le XV : Attente inutile. Vains espoirs.





XIII. Death / La Mort : transformation

Point de vue moral : Craintes. Hésitations. Événement imprévu. Perte. Échec. Esprit meurtri. Atteint d’une influence profonde et ravageuse.

Point de vue physique : Perte cyclique de vitalité. Mort.

Avec le XV : Fatigue organique.





XV. The Devil / Le Diable : fatalité

Point de vue moral : Ressent le poids de la fatalité. Manque de contrôle. Impulsions mauvaises. Sensualité. Violence. Domination et soumission. Se rend dépendant d’un autre. Se soumet aux mauvaises influences et aux mauvais conseils. Expérience bizarre. Alchimie et magie noire.

Point de vue physique : Incite aux plaisirs et aux abus.





XVI. Tower of Destruction / La Maison Dieu : catastrophes

Point de vue moral : Insouciance. Laisser-aller. Maladresse.

Point de vue physique : Troubles psychiques. Inconscience.

Avec le XV : Ne rien tenter, ne rien espérer.





XVIII. The Moon / La Lune : déception

Point de vue moral : Inquiétude. Hantise.

Point de vue physique : Santé chancelante.

Avec le XV : Impuissance. Frigidité. Opération des organes génitaux.





The Queen of Clubs / Reyne de Bâton : femme indépendante et capricieuse.

Est une rivale dangereuse pour les autres femmes.





The Knave of Cups / Valet de Coupe : jeune personne volage et passionnée.

Éloignement de l’être cher ou imprudence sentimentale.


Nos dix cartes se fondent sur l’ancien tarot de Marseille dans l’agencement générale des personnages. Ainsi, les figures que nous avons choisies sont de nouvelles interprétations des figures classiques, augmentées de références à l’œuvre de Naomi, et nullement un jeu de Tarot qui ferait un « oubli créatif » des représentations antérieures. Accompagnées de leurs descriptions, le lecteur peut tirer les cartes et se laisser porter par le monde onirique d’Olympe dans de troublants rêves d’une décadence moderne.


Pour tirer les cartes, commencez en les mettant en ordre numérique, puis brassez les cartes de la main droite en les tournant sur la table, de droit à gauche en cercles concentriques. Prenez les 6 premières cartes en disposant quatre en cercle autour d’une croix formée des deux premières. La première carte est disposée verticalement et répond à l’atmosphère et à l’influence du présent, c’est-à-dire du chapitre que vous êtes en train de lire. La deuxième carte, à l’horizontale en-dessous, répond à l’atmosphère et à l’influence du futur immédiat d’Olympe dans la tête du lecteur. La troisième carte, placée à l’horizontale en haut, révèle le destin ultime d’Olympe, toujours dans la tête du lecteur. La quatrième carte, placée verticalement à droite, récapitule le passé d’Olympe encore présent dans sa tête. La cinquième carte, placée à l’horizontale en bas, représente le passé immédiat d’Olympe. La sixième et dernière carte, placée verticalement à gauche, révèle le caractère profond d’Olympe, et permet de prédire son futur.


À l’origine, le tarot servait à prédire le futur, il jouait sur la peur qu’avaient les gens du destin. La crainte, quand elle est profonde, métaphysique, ouvre les portes de l’inconscient et permet aux gens de se créer des idées fixes, des obsessions névrotiques, pour ne pas dire des névroses obsessionnelles, et de rêver en plein jour devant des images sur lesquelles ils se projettent. L’exercice de Tarot, en ce qu’il met en œuvre les souvenirs-écrans, le refoulé et le travail de rêve, peut ressembler à une forme primitive, non-maîtrisée, voire dangereuse, de la psychanalyse, et il n’est pas surprenant que les surréalistes s’intéressait à la divination. Mais pour ce qui est de l’exercice ouphopique, le but n’est que d’ouvrir le roman à des interprétations iconographiques non-redondantes, et de faire valoir la part créative du lecteur qui s’amuse à prévoir la suite de l’action, la fin du roman et l’évolution d’un personnage.


Le manuscrit de Naomi, traduit du Norvégien, nous a été communiqué par les Éditions À Rebours, qui finalement ne le publieront pas. Nous ignorons à l’heure actuelle qui sera l’éditeur de ce roman qui nous interpelle pour plusieurs raisons, premièrement à cause de la composante photographique, mais aussi par sa mise à jour de la littérature décadente dans le contexte « gothique-industriel » à la mode aujourd’hui, et par ses renvois à deux romans de Jarry, L’Amour absolu et Messaline. Nous remercions chaleureusement Naomi pour la permission d’illustrer son roman, et pour ses encouragements. L’interprétation que nous donnons de son roman ne relève que de nous.


Paul Edwards

Assisté de Barbara Pascarel.