Pièces jointes




Photographie du véritable château de la véritable Joséphine de Beauharnais (où l'on vous montrera ses jouets)
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SAVOIR VIVRE :

LA VIE PROFESSIONNELLE :

LE PHOTO-HISTO-JOURNALISME

ou

Comment j'ai écrit un de mes articles

Ou

Pho

Po

Pièces incriminatoires

Les confessions d'un chasseur de Clinamen


Il faut vivre.

Il fallait choisir le sujet le plus digne d'intérêt des revues d'histoire et des prestigieuses sociétés reconnues d'intérêt historique. Après un peu de recherche de marché, nous constatâmes que les revues s'enorgueillissent de défendre l'injustement méconnu, et que rien n'attire le public plus que la fesse cachée de la chose. La figure de Napoléon III, ce clinamen vivant, nous vint alors à l'esprit comme une évidence, le sujet empirique idéal. Tant décrié, cet homme a néanmoins représenté la France, et l'histoire ne rechigne pas à montrer son ridicule en public. Voilà ma chance, comme dirait Priou.

Il existait forcément une société historique portant le titre : "Les Amis de Napoléon III", et quelle ne fut ma surprise en voyant que le rédacteur en chef signait M. Petit ? Grande. Brûlent-ils vraiment les œuvres complètes de Victor Hugo comme ses détracteurs le prétendent ? La couverture de leur revue (Les Nouveaux Cahiers du Second Empire) est fort sobre : un "N" majuscule entouré d'un ruban qui rappelle aux mauvais esprits la forme d'un décapsuleur.

S'il fallait plus de réconfort, les comptes rendus vinrent nous combler : Madame Bovary serait de la science fiction… Flaubert s'adressait à la femme de la fin du vingtième siècle… Voici une société historique avec laquelle on peut faire quelque chose. "Celui qui ne marche pas avec son temps est un fossile", disait Henri Fouquier en 1953.

La Revue trouvée, il fallait commencer à travailler pour eux en attendant le sujet parfait. Nous proposâmes nos services photographiques et reçûmes la commande de photographier le Bardo (NB pas "la" Bardo) qui venait juste d'être anéanti. Cette réplique réduite du palais du Bey de Tunis avait été édifiée pour l'exposition Universelle de 1867 par l'architecte Chapon. Sainte-Claire-Deville le fit transférer au parc Montsouris en 1868 ; en 1991, pas le moindre petit bout de bois n'en reste, les squatters y avaient mis le feu, "rappelant les crimes des communards de 1871."1 Notre premier devoir historique fut alors de photographier l'endroit du ciel dorénavant inoccupé, et notre trou fut immortalisé en encre grasse d'imprimerie. Nous ne nous en réjouissâmes point. Il n'y avait que des faits divers.

Il fallait trouver ce que Napoléon avait fait de plus inutile — histoire de prouver que tous les événements sont pairs, et tous les moments décisifs. Autant est-il évident que le clinamen dispose, autant délicat est-il de le prouver, et plus avant de prouver quoi que ce soit : cherchant LA PREUVE, que peut demander L'HOMME sinon UN SIGNE….


Combien combien combien de signes

[faut-il pour faire un signe?


Face à ces multiples considérations, il fallait s'appuyer sur une méthode à la fois extrême et simple : trouver ce qu'a fait Napoléon III de plus insignifiant, puis prouver que c'était en fait le moment le plus lourd de conséquences pour lui et pour l'histoire de la France sinon de l'Europe. Rien n'est plus simple que de prouver la potentialité d'un événement.


Combien combien combien d'univers parallèles

[faut-il pour faire un monde ?2


Lire tous les livres sur N III pour découvrir ce qu'on ne disait pas fut un exercice laborieux. Ils refusaient tous de dire ce qu'ils ne disaient pas. Il n'y avait que de l'histoire. Comme dans les films, notre héros n'allait jamais pisser. Heureusement trouvâmes-nous un trou dans le récit de sa vie, confirmé elliptiquement dans un autre grand volume autrement réfractaire à l'ellipse. Louis-Napoléon aurait fait un séjour inutile en Angleterre. Mais vous êtes forts, vous l'aviez déjà deviné. Et ce ne fut pas un de ces exils dont on peut se métaphysiquer sur la condition humaine, non, ce furent de véritables vacances non-méritées et ponctuées de débauches. Oh, il fera sa petite propagande à Londres, mais nous nous intéressons uniquement à son séjour à Leamington Spa, station hivernale des londoniens3. Il y séjournera suffisamment longtemps pour louer une maison et pour ne ostensiblement rien faire.

Nous allâmes donc à Royal Leamington Spa. Nous trouvâmes la maison à plaque. Nous nous rendîmes à la bibliothèque. Là, gros dossier sur la Visitation de Napoléon III. Comme expliqué avant, il fallut qu'ici, en l'hiver 1838-1839 (le dernier hiver avant l'avènement de la photographie, ce qui est fort symbolique au niveau purement personnel, car nous comptâmes alors en finir avec le journalisme pour nous consacrer à la photographie) Napoléon accomplit son geste le plus auguste, l'acte le plus gros de possibilités, l'accident le plus essentiel, bref, le clinamen, l'histoire, la vérité, le Bien dont les rayons nous parviennent encore : il fallut que Louis-Napoléon rencontrât Harryet Howard — qui méritait l'Empire —, et qu'il nouât avec elle, comme seul le pouvait une pareille tête de noeud.

Que faisait Harryet Howard en 1838, cette femme sans laquelle N III n'eut eu ni sous ni trône ? Fille de savetier, elle avait appris à battre la semelle dans son jeune âge et courut après le jockey qui venait de gagner le tout premier "Derby". Elle l'attrapa et le couple concubineux alla s'installer à Leamington. Ô miracle. Peut-on réellement créer l'histoire à sa guise ? Peut-on impunément demander aux faits bruts de venir confirmer nos hypothèses ? Ô que oui. Tout trouva sa place dans notre recherche, et notre seul désappointement dans cette histoire si miraculeuse c'est qu'elle nous parut, après coup, franchement banale, mais si banale qu'elle tenait du miracle. Nous avions été devancé dans notre découverte par un certain Charles Linc, qui avait publié ses résultats en 1973. Napoléon III étant un "étranger" (terme péjoratif outre-tunnel), la presse s'occupa peu de Linc, à part la solution qu'il apporta au mystère du tableau "Portrait, sujet inconnu", représentant notre sujet et se trouvant dans un château voisin. Preuve que nul Français depuis n'avait mis les pieds dans ce château qui peut néanmoins se visiter, la physignominie n'aurait pas passé si anonymement de notre côté du chunnel. Bref, la presse anglaise avait tout raté. Louis-Napoléon et Harryet Howard vinrent prendre (leur) pied tous deux à Leamington en 1838. S'ils ne l'avaient pas fait, on aurait pu garder Victor Hugo chez nous.

N III et Harryet Howard. Le miracle inévitable établi, il ne pouvait qu'en tomber d'autres. Voyons. Et la Pologne ? Elle n'existait pas en 1838. Enhardi par des signes semblables à des étoiles qui tombaient du ciel, nous nous sommes mis à voir si le Père Ubu n'y était pas, lui aussi, à Leamington en 1838.

Nous regardons dans le camp des ex-Polonais réfugiés. Un nom s'en dégage, le comte Oborski, ex-commandant en chef des armées de la Pologne, et dont la maison communiquait avec celle de Louis-Napoléon par leur jardin commun. N III passait son temps à discuter des campagnes d'Oborski. Nous nous retenons de l'orthographier comme tout un chacun le soupçonne, par respect des vœux (certes peu pertinents maintenant) de l'intéressé, qui souhaitait passer "incognito" (témoignage d'époque, qui témoigne surtout de l'imagination mirobolante et paranoïaque de notre Père à tous). Ceci ne sera pas mentionné dans l'article officiel de l'organe historico-sérieux, qui se soucie peu de l'histoire de nulle part.

Nous avons lu les quelques romans, histoires locales et autobiographies concernant cet hiver-là, mais les Anglais semblent aussi peu émus devant les FAITS HISTORIQUES qu'il sont nuls en orthographe. Erreur. Il y a bien de quoi s'émouvoir. Un M. Manning écrira en fin de siècle son autobiographie qui fait vivre 20 ans (!) "l'Empereur embryon" (expression de Manning) à Leamington. Il donne ainsi de l'importance à ses souvenirs d'enfance, lorsqu'il voyait effectivement N III et Ubuski de la fenêtre de son école. Erreur de magnitude. Mais vingt ans imaginaires ne valent pas un seul véritable lapsus du véritable Napoléon III.

Il fallait tout simplement le trouver dans les journaux locaux d'époque. Quoi de plus prévisible : le "futur roi" Napoléon avec son "accent allemand comme Hamlet" (il n'y a que du "sic" en Histoire, nous citons les journaux) a fait une confusion peu protocolaire mais fort correcte entre les perfides mots albionesques pour "gentes dames" et "prostituées" ("the ladies of the town" - vous auriez fait de même, hein?) lors d'un toast.

Qu'est-ce que l'histoire en dehors du cul ? Nous souhaitâmes que l'Empereur fondât un bordel, et le bordel fut. À deux portes de chez lui, un membre de la cour de N III fonda une maison pour "éduquer les jeunes filles à recevoir les rois", comme on dit, et puisqu'on fait ce qu'on dit, Edward VII s'y rendit. La locataire actuelle se fichait pas mal de nos découvertes et ne voulait pas entendre parler d'une plaque commémorative.



«Finishing School of Emelia Gough

  Edward the Seventh finished them off.»


Partouze la semaine, église catholique dans le quartier pauvre de la ville le samedi (le dimanche étant trop occupé…). Tout se confirmait, tout était médiumniquement prévisible. Mais toute recherche scientifique doit se terminer en mystère (de préférence total). Ainsi nous traquâmes et interrogeâmes tous les anciens propriétaires de la maison de Napoléon III au sujet des lettres et objets trouvés et perdus. Le comble. Les combles. Il y en avait, tout un paquet — de Louis-Napoléon à Harryet Howard ???!!!??? —, que brûla un jour un marchand de charbon qui nettoyait la cave, ne pouvant en lire un traître mot.

Ayant suffisamment de faits historiques pour rédiger un savant papier historique digne des Amis de N III, nous prîmes en photo la maison et sa plaque (initialement refusée par la ville car il s'agissait d'un "étranger"). Photographie que la revue plia en deux avant de la reproduire pour donner à l'immeuble plus de patine et de vécu.

L'article fut accepté et publié (Nouveaux Cahiers du Second Empire, n° 29, 1992, pp. 34-35. I.S.S.N. : 0249-1455). Quelle fut alors notre surprise de le voir contresigné par le président du Jockey Club de France ! (L'aurions-nous su, nous lui aurions cédé la paternité de l'article !) Il ajouta une phrase à notre travail, pour confirmer l'importance de Harryet Howard pour N III, "cette femme «qui allait le faire Empereur» (Simone André-Maurois)". Geste qui lui vaut notre dévouement personnel et c'est à lui que nous dédions cet exercice d'histoire potentielle.4


Paul EDWARDS

Grand Dubitateur de l'Empire Impérial Empirique



1. Nouveaux Cahiers du Second Empire,  n°28 (1991), p. 73


2. On aura de cesse d’annoter et de réécrire “Le Sorite”, poème de Julien Torma (Le Grand Troche [1925], Allia, 1988)


3. En français, Leamington-les-Bains


4. Dont la contrainte fut la simplicité même : ne s’en tenir qu’aux faits historiques, confirmés par au moins deux sources sûres. Ainsi l’histoire est d’une évidente scientificité, car nous n’inventons rien, c’est l’histoire qui parle, la bête prévue par le Clinamen.

Reproduction (réduction) de l'article sur Napoléon III
LE PRINCE LOUIS-NAPOLÉON À LEAMINGTON SPA : HIVER 1838-1839
Pour éviter à la Suisse, qui l’abrite, les représailles diplomatiques dont le gouvernement de Louis-Philippe la menace, le Prince Louis-Napoléon se réfugie à Londres au début de l’année 1838. Tels les Londoniens de qualité, le Prince va passer l’hiver à Leamington Spa. Depuis quelques mois, la ville a reçu le qualificatif « Royal » et connaît sa plus glorieuse décennie.
Dans le journal local, le Leamington Courier, du 10 novembre 1838, on lit l’article suivant  :

Le prince Louis-Napoléon, accompagné du comte Persigny et d’autres membres de sa cour est descendu au Regent Hotel […] En quittant la métropole, le Prince fut applaudi à maintes reprises par une grande foule assemblée […] Depuis la mort du fils de Napoléon, il est devenu héritier des titres et droits de la famille Bonaparte. Sa position est apparemment bien comprise en France et a conduit le roi de France [sic] à le repousser hors des frontières […] Ceux qui ont eu l’occasion de parler avec Sa Majesté [sic] nous ont répété à quel point ils estiment sa grande amabilité et ses qualités […] Nous sommes ravis de savoir qu’il prend un grand plaisir à la chasse et qu’il a l’intention de rester plusieurs semaines parmi nous […]

À Royal Leamington Spa, Louis-Napoléon est réellement en vacances ; le Courier le confirme en spécifiant « il en avait besoin ». Il y noue des relations dans les membres de la « Gentry » qui fréquentent la station : le major Hawkes, master of ceremonies, le duc de Somerset… ceux-ci le convient à des réceptions et à des dîners grandioses.
Le Prince aime aussi se rendre dans une maison très simple qui abrite le comte Duboski (quelquefois orthographié Oboski), ex-commandant en chef de la Pologne…
Louis-Napoléon décide de s’installer près du comte polonais, au 6 Clarendon Square ; leurs jardins communiquent et se situent face à une école. Là ils s’entretiennent longuement des compagnons de l’empereur Napoléon  1er. Un jeune écolier les observe, dénommé J.C. Manning, qui, à la fin du siècle, écrira ses souvenirs de Leamington et mettra en scène « l’embryon d’empereur » dans un véritable roman policier baignant dans une atmosphère de brouillard, d’espionnage, de gentlemen et d’assassins. Mais son héros vivra vingt ans à Leamington, tandis que le futur empereur n’y sera resté que quelques mois.
Une intense vie mondaine occupe le Prince  : visite à la noblesse locale, participation à des bals de charité, auxquelles il faut ajouter les nombreuses invitations des mères de jeunes filles à marier. Dans le Courier de décembre 1838, on annonce son mariage avec la princesse Olga, fille du Tsar. Les rumeurs se répètent deux fois. Est-ce pour enrayer les spéculations, ou au contraire pour les encourager ?
Lors de certaines réceptions, avec l’accent germanique qu’il a acquis au cours de ses études à Augsbourg, bien qu’il maîtrise parfaitement l’anglais, le Prince porte des toasts à l’Angleterre « Pour avoir porté la civilisation à mille peuples barbares et aux régions les plus lointaines. » Tout autre est celui qu’il adressa « to the ladies of the town » qui, outre-Manche, désignait plutôt les femmes légères que les Dames à qui il voulait s’adresser. Ce fameux lapsus fut entendu au point qu’un des convives n’hésita pas à installer, quelques années plus tard, au 9 Clarendon Square, une « maison de tolérance » devenue fort célèbre, le « Knocking Shop » ; les jeunes filles de la bourgeoisie y apprenaient, dit-on, les « bonnes manières » et comment « se comporter » devant un roi. Édouard VII s’y rendit souvent, quoiqu’aucune plaque commémorative ne rappelle ses augustes visites.
Plus sérieusement, Louis-Napoléon allait prier la Vierge Marie à l’église catholique de la rue George. Lors de sa visite en 1860, l’impératrice Eugénie fera cadeau d’un vitrail à cette église…
On pensait que rien d’important n’avait marqué le séjour du futur empereur à Royal Leamington Spa. Une enquête de Charles Linc, publiée dans le Warwickshire and Worcester Life de février 1973, a prouvé que c’est dans cette ville où elle s’était installée avec un jockey célèbre au début de 1838, que Louis-Napoléon connut Harryet Howard, cette femme « qui allait le faire Empereur » (Simone André-Maurois).
Aujourd’hui, ces lieux sont dans un triste état : le jardin du 6 Clarendon Square est devenu un garage ; l’école : un parking ; même l’église a été transformée en club très mal entretenu.
Il y a un an que la maison du prince Louis-Napoléon est mise en vente. L’aspect extérieur Regency en est agréable ; une plaque y commémore son séjour NAPOLEON III HOUSE. Elle ne fut apposée qu’en 1984, bien que certains conseillers municipaux aient objecté « qu’une plaque pour un étranger était parfaitement absurde ». Nous traduisons ainsi « foreigner ». En fait le sens est plus péjoratif, « corps étranger » serait peut-être plus juste !
Restée inoccupée pendant trois ans, la maison du futur Empereur avait été envahie par les squatters et la végétation. On raconte qu’un marchand de charbon qui y demeura avait trouvé dans le sous-sol, sous un gros tas de briques, un paquet de lettres. S’étant mis à les examiner à la lumière du feu qu’il avait allumé pour brûler les ordures, il n’en lut que quelques lignes, assez pour constater que c’était en « foreign » ; aussi les brûla-t-il toutes !
Pour deux millions et demi de francs, vous pouvez aujourd’hui acquérir NAPOLEON HOUSE.
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