OuPhoPo 4OPP-4.html


FONDEMENTS DE LA PHOTOGRAPHIE POTENTIELLE


LA PHOTOGRAPHIE ET L'IMAGINAIRE

Ou

Pho

Po

Avant que le mot "photographie" ne sombrât dans sa définition dite "moderne", pire "inéluctable" vide : "Rendant, représentant la vie ou la nature de manière juste, voire minutieuse ; mécaniquement imitative" [cp. OED b. fig. "Accurately portraying life or nature ; minutely accurate ; mechanically imitative"], la photographie, elle, jouissait d'une dénotation voyante la renvoyant dans les bras musclés de l'imaginaire : "Une image, surtout mentale ou verbale ; une description ayant la qualité du détail exact qui appartient à la photographie" [cp. OED b. fig. "A picture, esp. a mental or verbal image or delineation ; a description having the exact detail of a photograph"].

Le Oxford English Dictionary fournit alors quelques citations dignes des poètes du 17e siècle et qui renvoient comme il se doit — tacle, plaque, botte, lob, shoot, monte au filet et smash — l'essence de la photographie dans le camp de l'imaginaire on ne pourrait plus imaginaire (voir aussi la fin de cet article) :


“A photograph of pre-existent light or Paradisal sun.”(1852)

[Philip J. BAILEY, Festus (1839) xx. (ed. 5) p. 336.]


("Une photographie de la lumière préexistante, ou du soleil paradisiaque.")


“[In the gospels] you have four photographs of Our Lord in different postures.”(1869)


[Edward Meyrick GOULBURN, The Pursuit of Holiness : a sequel to Thoughts etc., x. p. 94.]


("Dans les évangiles, vous avez quatre photographies de Notre Seigneur dans des postures différentes.")



“While Domesday gives us a photograph, the compilers of codes give us an artistic picture.”(1876)


[FREEMAN, The History of the Norman Conquest (1867-1879), V. xxiv. p. 403.]


("Autant le livre Domesday nous fournit une photographie, autant les compilateurs de codes nous livrent une peinture artistique.")


* * *


Autant Ruskin jugeait bon de promouvoir un "retour à la nature", autant nous prônons un retour de la photographie à l'imaginaire. Souvenez-vous, comme Hitchcock le formule si bien, que la nuit noire est un blanc éblouissant en caméra ; et interrogeons-nous métamythiquement comme lui :


“What if it should turn out that sable night […] is an unerring photographist?”(1851)


[E. HITCHCOCK, Relig. Geol., xii. p. 393.]


("Et si le sable de la nuit était un photographe infaillible?”)


Ce retour à la Nature, plutôt qu'à la nature, nous entraîne à voir le monde comme s'il était déjà une photographie — ou même un photographe, voire, pour certains, l'œil de Dieu! Le monde serait alors déjà une image, et nous nous efforcerions à la calquer sur nos mondes intérieurs. Et le réel dans tout cela? le monde qui nous résiste, et qui nous mange? Le rôle du photographe naturaliste est dévolu au papillon :-


“The chrysalides of butterflies […], their shells being photographically sensitive for a short time after the caterpillars’ skins have been shed, so that each individual assumes the colour most prevalent in its immediate vicinity.” (1869)


[T.W. WOOD in Student II. p. 83.]


("Les écorces des chrysalides des papillons sont photosensibles pendant une courte durée après que les chenilles ont largué leurs peaux, de telle sorte que chaque individu prend la couleur qui prévalait dans le voisinage immédiat.")


Tout comme un caméléon, cette photographie vivante.

Les mots et les couleurs, la description et la lumière s'unissent alors quand ce dictionnaire, avec comme seule hésitation l'appellation contrôlée dite : "emploi figuratif", consigne le verbe "photographier" à la : "Portraiture verbale vivante ; imprimer et fixer dans la mémoire" [OED 2. trans. fig. "To portray vividly in words ; to fix or impress on the mind or memory"].

Les heureux copistes renchérissent :


“These wild, incredible, and apparently fabulous scenes […] are indelibly photographed on a memory from which few things […] have been effaced.”(1862)


[LADY MORGAN, Mem. I. p. 21.]


("Ces scènes sauvages, incroyables, et apparemment fabuleuses sont photographiées dans une mémoire de laquelle peu de choses ont été effacées.")



“In the twenty-fifth chapter of Matthew He photographs the transaction in a scene of judgment.”(1865)


[Horace BUSHNELL, The Vicarious Sacrifice grounded on principles of universal obligation, III. v. p. 296.]


("Dans le vingt-cinquième chapitre de Matthieu Il photographie la transaction dans une scène de jugement.")


Paraphrasons Walter Benjamin à notre manière :


“Écrivains ? Photographes !”